En fait pour vous expliquer un peu, régulièrement le matin en allant travailler, je croise en voiture une femme qui attend au bord de la route, dans une forêt. Naïf de provincial que je suis, au début j’ai pensé qu’elle attendait quelqu’un pour faire du co-voiturage. En fait avec le temps j’ai compris que cette femme n’attendait pas d’aller au travail mais était déjà au travail. Elle se prostitue… A l’occasion, quand elle est très proche de la route (peut-être les jours où le client se fait rare), j’ai pu croiser son regard et voir son visage… Difficile de savoir quel âge elle a, mais ce qui est sur c’est que son visage est déjà ravagé par l’alcool et sûrement la drogue. Aujourd’hui j’ai décidé de lui écrire via ce post.
Lettre ouverte à une femme qui travaille dans un bois.
Madame.
J’imagine que peu des gens qui vous croisent le matin vous appellent Madame, mais je ne connais pas votre nom, et après tout vous ne souhaitez peut-être pas que les gens qui passent le matin dans cette forêt (et surtout ceux qui s’arrêtent) connaissent votre vraie identité. Aussi, permettez que je vous appelle madame, car derrière la femme qui gagne sa vie en vendant son corps dans cette forêt il y a une dame qui sommeille sûrement et qui ne demande qu’à croire aux bonheurs simples de la vie.
Je ne sais pas ce qui dans votre parcours de vie vous a amené à venir travailler dans ce bois, j’imagine que ce parcours a dû être dur pour vous conduire là. Votre visage, marqué par les abus exprime à la fois cette souffrance et de la résignation.
Pour attirer les hommes, peut-être les femmes aussi, vous exhibez fièrement vos jambes, témoignage qu’avant vous deviez être une belle femme, désirée par les hommes. Aujourd’hui leur désir envers vous se limite sûrement à ces quelques minutes où vous leur vendez ce qu’ils attendent, vous n’êtes plus une femme, mais avec eux un simple instrument de leur désir. Ca doit être dur de s’effacer autant en temps qu’être humain et de devoir se résigner à n’être plus qu’un objet pour gagner sa vie.
Peut-être que cette activité vous permet de gagner mieux votre vie que les petits boulots à temps partiel mal payés des « working poors ». Peut-être également qu’il vous permet de payer tout ce dont vous avez besoin pour « tenir ».
Sachez tout de même, madame, qu’en temps qu’humain, votre détresse apparente me touche, oh bien sur, je ne suis sûrement pas le seul, vous avez dû en rencontrer des gens bien pensants qui ont essayé de vous faire la morale et de vous ramener « dans le droit chemin ». Je ne suis pas de ceux-là, je respecte votre choix de faire ce travail. J’espère juste que quelque part, loin de ce bois vous avez une autre vie, peut-être des enfants, qui vous permettent de trouver du bonheur et de vous rappeler que vous existez bien en temps qu’humain et que femme.
Bien sur, comme vous le devinez, jamais je ne m’arrêterai vous dire tout cela un matin. Je dois aller à mon travail, et vous avez le votre à faire. Je ne suis pas client de vos services, j’ai la chance de vivre un vrai grand Amour avec mon épouse. Sachez juste que le regard que je vous porte à l’occasion, n’est pas un regard prédateur, ni un regard de mépris, c’est juste le regard d’un pèlerin de la vie qui l’espace d’un battement de cil, vous regarde telle que vous êtes : à savoir une femme, un être humain qui vit un moment de détresse.
Madame, je vous souhaite tout le courage qu'il faut pour continuer à exercer ce métier qui est le votre, et j’espère qu’un jour prochain vous pourrez mettre votre mini-jupe au placard…
Cordialement, un automobiliste pèlerin.